- COSMAS INDICOPLEUSTÈS
- COSMAS INDICOPLEUSTÈSCOSMAS INDICOPLEUSTÈS CONSTANTIN D’ANTIOCHE dit (1re moitié VIe s.)De son vrai nom Constantin d’Antioche, Cosmas Indicopleustès, Grec de Syrie établi à Alexandrie, signe simplement «Chrétien». Adepte de Théodore de Mopsueste et disciple de Mar Aba, katholikos de l’Église nestorienne de Perse, Cosmas dissimule ainsi une identité qui aurait pu faire douter de son orthodoxie dans la mesure où il écrivait dans une Alexandrie monophysite, à la veille du IIe concile de Constantinople (553) qui allait condamner ses maîtres préférés. Marchand (probablement d’épices), voyageur, cosmographe, farouche adversaire de la sphéricité de la Terre, il doit sa célébrité à une grandiose synthèse qui réunit en un tout Dieu, l’homme et l’Univers, la Topographie chrétienne («Sources chrétiennes», Cerf, Paris, 1968, 1970, 1973). Ce titre cache en effet une description de l’espace cosmique conforme à l’eschatologie nestorienne fondée sur la théorie des deux «conditions» humaines (catastases ). Conçu par Dieu dès avant la création pour accueillir ces deux conditions, l’actuelle et la future, l’Univers se présente, selon Cosmas, comme une «immense maison » (oikos ), oblongue et voûtée. Il est divisé en deux en son milieu par le firmament à l’exemple du tabernacle divisé en deux par le voile séparant le Saint des Saints du Saint. Le temple portatif des Juifs, construit par Moïse selon le modèle montré par Dieu sur le mont Sinaï, garantit ainsi aussi bien sa propre authenticité en tant que modèle que la fidélité de sa réplique, l’Univers. Dans cet Univers bipartite, l’espace inférieur, correspondant au Saint, se trouve attribué à la condition présente. «Mortelle et changeante», celle-ci a pour mission d’instruire l’homme et de le préparer à la condition future. L’espace supérieur, assimilé au Saint des Saints, est réservé à l’humanité appelée à ressusciter à l’exemple du Christ, Dieu et homme, levé d’entre les morts, «selon la chair». S’il est légitime de concevoir le monde comme une maison où évolue l’humanité entière, l’erreur de Cosmas consiste, d’une part, à conjuguer sur un même plan la symbolique, la cosmographie et la géographie, et, d’autre part, à associer l’exégèse littérale de la Bible propre à l’école d’Antioche aux postulats de la science telle qu’elle était cultivée à Alexandrie au VIe siècle. Il plaque les éléments du tabernacle sur les entités géographiques ou cosmographiques et il les décrit en détournant subrepticement les principes scientifiques au profit de sa propre représentation du monde déduite de la Bible et des mythologies orientales. Ainsi, il fait correspondre la «table» du tabernacle, entourée d’une «cimaise» qui à son tour est surmontée d’une «corniche», à la «Terre habitée» (oikouménè ) des géographes sphéristes: deux fois plus longue que large, celle-ci s’étend le long de la zone tempérée de l’hémisphère Nord; elle est entourée d’une «mer universelle» et d’une terre inconnue située dans l’hémisphère Sud, une antichthone (anti-Terre ) qui par-delà l’océan fait face à «notre Terre à nous».Pour apporter à la révélation et à la science la confirmation de sa propre expérience de voyageur et de marchand, Cosmas insère dans son ouvrage de multiples excursus, pittoresques et pleins de verve populaire, relatifs aux contrées qu’il a visitées ou sur lesquelles il s’est renseigné auprès de témoins oculaires. Il évoque ainsi la haute Égypte et la région d’Axoum, en Éthiopie, où il a observé les ombres pour établir la «grandeur» du Soleil et dont il a rapporté deux inscriptions célèbres; les expéditions marchandes dans les pays avoisinant les sources du Nil; ses navigations dans la mer Rouge et l’océan Indien; son escale dans l’île des Dioscorides (Socotra); les ports indiens et les marchandises qui y transitent; Taprobane (Ceylan), ses pierres précieuses et ses éléphants; des régions plus proches d’Alexandrie, comme la Palestine et le mont Sinaï; les animaux de l’Éthiopie et de l’Inde.Cosmas expose ses conceptions dans le cadre soit d’une exégèse du texte biblique, soit d’une polémique, à la fois religieuse et cosmologique, avec les «faux chrétiens» et leur principal représentant, Jean Philopon, tous adeptes de la «science hellène» et partisans de la sphéricité du monde, tous monophysites opposés à Théodore de Mopsueste et à la théologie dyophysite des nestoriens.La Topographie chrétienne nous a été transmise par trois manuscrits ornés de magnifiques miniatures. On y distingue deux séries d’illustrations, cosmographique et scripturaire. La première offre, entre autres, une carte qui appartient aux plus anciennes qui nous soient transmises par la tradition grecque ou latine. L’illustration scripturaire retrace l’itinéraire suivi par les Juifs pendant l’exode, au cours duquel ils ont été initiés à la connaissance des «formes de l’Univers». Elle comprend, en outre, une série de portraits de personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament, les premiers ayant annoncé la venue du Christ qui allait inaugurer par sa résurrection l’accès à la deuxième condition pour l’humanité entière, les seconds ayant confirmé la réalisation de la «promesse» faite par Dieu.
Encyclopédie Universelle. 2012.